Depuis mars 2020, début du premier confinement, la situation des étudiants français s’est dégradée. Précarité, instabilité, cours à distance… Les étudiants se sentent abandonnés.
En ce début d’année 2021, les étudiants français se mobilisent et cherchent à se faire entendre afin de dénoncer leurs conditions de vie, qui se sont beaucoup dégradées depuis le premier confinement de mars 2020. Des campagnes de dénonciation sur les réseaux sociaux deviennent virales. Avec le hashtag #lesétudiantsfantômes, les étudiants dénoncent le fait qu’ils soient “les oubliés” de cette crise, délaissés par le gouvernement. Un ras-le-bol collectif, renforcé par leurs inquiétudes et leur stress permanent : isolés, parfois dans de petits logements universitaires, avec des conditions de vie et de travail déplorables… Pas étonnant que nombreux décrochent et souffrent de solitude.
Des influenceurs se sont engagés pour soutenir cette cause et montrer le mal-être des étudiants. C’est le cas d’Hugo Décrypte, très suivi sur les réseaux sociaux. Le 31 janvier 2021, il a relayé, dans une vidéo sur Instagram, de nombreux témoignages d’étudiants : » Je me sens seule et en fait, je me rends compte qu’à part ma volonté, plus rien ne me retient de passer à l’acte. » « J’ai eu pour la première fois des pensées suicidaires. » Ces récits alarmants se sont vite propagés sur internet. Début janvier, la sonnette d’alarme s’était déclenchée lors de deux tentatives de suicide, en une semaine, d’étudiants à Lyon. Peu de temps après, de nombreux jeunes manifestaient pour dénoncer l’inaction des pouvoirs publics et réclamer la réouverture des universités.
Parmi les principaux problèmes, une forte augmentation de la précarité : selon le journal L’Étudiant (novembre 2020), un tiers des étudiants rencontrent des difficultés financières, principalement pour se nourrir. Sur le plan numérique, avec la fermeture des universités, l’accès à internet est devenu primordial pour suivre les cours à distance. Dans les foyers ou les résidences universitaires, quand la connexion est partagée avec beaucoup de personnes, cela peut poser problème. Suivre les cours peut alors devenir un vrai parcours du combattant. C’est le cas de Juliette, étudiante en deuxième année de géographie à la Sorbonne. En difficulté financière, sans connexion internet dans son appartement, elle subit une précarité numérique : “Je devais me mettre dans ma salle de bain afin de capter le wifi de mes voisins, raconte-t-elle. Finalement, nous nous sommes rassemblés dans d’autres appartements avec plusieurs de mes camarades pour pouvoir suivre les cours à distance. » Juliette est allée manifester à plusieurs reprises pour exprimer son mécontentement. « J’ai des amis qui ont passé leur confinement enfermés dans 9 mètres carrés, avec une connexion internet très mauvaise, et pour certains sans ordinateur convenable. «
Fin janvier 2021, le gouvernement a mis en place des mesures, comme l’instauration des repas à un euro dans les restaurants universitaires, le retour à l’université en présentiel un jour par semaine ou la création d’un « chèque-psy » pour consulter en cas de mal-être. Mais pour les syndicats étudiants, ces mesures sont loin d’être suffisantes.
« J’ai l’impression qu’on ne se fait pas assez entendre »
Alyssa est militante au sein du syndicat Solidaires Étudiant-e-s à Tours.
Quel est ton rôle dans le syndicat ?
« Avec mes camarades, j’organise différentes actions sur Tours. Le syndicat était très peu actif pendant le premier confinement. Ensuite, nous avons organisé plusieurs actions. Il y a eu la mort d’une camarade transgenre, Douna, qui s’est suicidée en partie à cause de sa grande précarité. On a donc appelé à un rassemblement grâce aux réseaux sociaux. Actuellement, nous organisons une friperie solidaire qui a lieu tous les vendredis soirs devant l’université des Tanneurs. »
Les aides et dispositifs mis en place par l’Etat te semblent-ils suffisants ?
« Non, j’ai l’impression qu’on ne se fait pas assez entendre. La précarité étudiante est de plus en plus forte, et il est très difficile de trouver un petit boulot. Concernant les mesures prise par le gouvernement, je n’arriverais même pas à en citer une qui fonctionne vraiment. Le dispositif des chèques psy ne compte que 3 séances remboursées chez un psychologue, c’est trop peu ! Les repas du Crous à 1 euro, c’est très bien dans l’idée, mais actuellement, le restaurant universitaire de Tours n’est même pas ouvert… »
Chez les étudiants que tu as rencontrés, quel est leur problème majeur ?
« En fait, les problèmes sont multiples : précarité numérique, alimentaire, difficulté à garder ou trouver un job étudiant, sentiment d’isolement… Pour les étudiants, cette situation crée une énorme pression psychologique. Dommage que le gouvernement ne se focalise trop souvent que sur un problème. Et entre ce qui est dit et ce qui est fait, il y a quand même des incohérences. »
Par Marie-Ange Liberatore & Klervi Dalino
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